Petit matin à la plage [PV Otto Günsche]

C'était un petit matin tout à fait normal, si ce n'était que Dinah m'avait réveillée en miaulant comme une affamée à une heure que je n'oserais même pas nommer. Ceci dit, j'aurais pu me rendormir tranquillement, mais je venais d'émerger d'un rêve où j'avais découvert des coquillages magnifiques, nacrés avec des reflets roses et violets; et j'avais envie de voir si il était possible que j'en trouve sur la plage de la petite bourgade d'Astre-sur-Mer.

Je m'étais donc tout naturellement extirpée de mon lit avec toute la grâce donc j'étais possible et avais enfilé une robe bleu légère à la place de ma longue chemise de nuit. C'était ainsi vêtue, sans chaussures, que j'avais couru jusqu'à la chambre de notre cher majordome, Mr. Tyler. Ce dernier venait de se lever, c'était son métier, cela n'était donc pas étonnant; et je lui demandais de me conduire jusqu'à la plage. Bien évidemment, il accepta, il n'avait pas vraiment d'autre choix, et le temps que je me chausse décemment il avait préparé la voiture.

Il nous fallu à peine une demi-heure pour rejoindre le lieu de mes convoitises, et je lui demandais de me laisser et de revenir dans une petite heure. Lorsqu'il redémarra après une petite hésitation, j'observais quelques instants le véhicule blanc s'éloigner, puis je me tournai vers l’étendue d'eau salée qui s'étendait devant moi.

Les premiers rayons du soleil se reflétaient sur la surface bleutée et le vent frais soulevait les quelques mèches qui s'échappaient de mon chignon fait à la va-vite. J'avançais lentement dans le sable sec qui s'enfonçait sous mes pas. Avant de marcher sur la partie que les vagues atteignaient assez régulièrement, je retirai mes sandales.

Avant de commencer à chercher, je voulais juste profiter de cet instant de solitude. Je fermai les yeux pour profiter du son de la houle tandis que l'eau me chatouillait les doigts de pieds.

Quatre heures.
Plus moyen de dormir. Je sortis du lit, comme un zombie, attrapai mon portable et me préparai à sortir. Me coiffer un peu, me brosser les dents, enfiler un vieux jean et une chemise, c'était suffisant pour passer le reste de la nuit en voiture. Où pourrais-je aller, cette fois ? La nuit était assez froide. Ou du moins pour une tapette comme toi qui se transforme en glaçon au moindre coup de vent. J'ignore. J'ignore...

Du coup, une envie de liberté me prit. Une envie de... mh, de mer peut être ? Elle n'est pas si loin. Je sortis donc, à peine couvert, et ouvrit délicatement la portière de ma voiture et m'y engouffrai aussitôt. Le contact eut à peine été mis que j'appuyais déjà sur la pédale d'accélérateur comme un dément. Ma maison disparut vite derrière moi, et tout aussi vite que je roulais, je pouvais voir les visages étonnés des gens devant qui je passais, des coups de klaxons, des sirènes de police... Et puis quoi ? J'ai toujours conduit comme ça et le seul mort que je risque de faire, c'est moi-même. Serait-ce une grosse perte ? Non. Problème réglé. J'arrivai dans la petite rue familière d'Astre-sur-Mer qui mène à la plage et freinai brusquement avant d'éteindre le contact. Je ressortis sentant l'air frais sur ma peau. Je commençai à longer la côté, puis m'approchai de l'eau. Plus loin sur la plage, je m'assis sur le sable sec, et sentant le sommeil revenir, maintenant que j'étais dehors, maintenant que je pouvais respirer, sans ces démons qui me hantent, je me couchai et fermai les yeux.

Lorsque je me réveillai, il devait être neuf heures passées. La deuxième partie de la nuit avait été si agréable que j'étais presque de bonne humeur. Ben trou de bal, t'as qu'à vendre ta baraque et devenir clochard si tu préfères dormir dehors. Ta gueule, je dors pas dehors en hiver.
Je me levai, essuyai le sable qui me recouvrait et lentement, me remis à marcher. J'avais fait un sacré bout de chemin, pieds et torse nu, persuadé que j'étais seul au monde, lorsque j'aperçus une jeune fille assise près de l'eau. Elle aussi semblait profiter d'un moment de solitude. C'est l'heure de jouer les troubles-fêtes... J'enfilai ma chemise et, en passant derrière elle, remarquant qu'elle m'avait aperçu, je dis à son attention :

« Salut. Belle matinée hein ? »

J'avais beau avoir cherché, il n'y avait pas de coquillages comme dans mon rêve sur cette plage, dommage... Un peu mélancolique, je m'étais assise, sans me soucier de l'état de ma robe, après tout il me suffirait d'envoyer une fois de plus ma sœur faire les boutiques pour moi.

Je l'avais vu arriver de loin, en même temps il était difficile de ne pas repérer un homme plutôt grand qui marchait seul sur une plage déserte. J'avais l'intention de l'ignorer royalement, tout comme ma très chère mère l'avait fait avec moi pendant des années alors que je tentais de lui expliquer que j'avais traversé le miroir de la salle à manger pendant la nuit.

Toutefois, j'étais incapable de ne pas répondre lorsqu'on me saluait. La politesse coulait dans mes veines au même titre que la grâce, la distinction et la modestie.

"Salut. Belle matinée hein ?" fit-il en passant derrière moi.

La première pensée qui me traversa fut : de quel droit osait-il m'adresser la parole ? Puis je me rappelai qu'il ne pouvait pas savoir que j'étais issue de l'aristocratie anglaise et que j'avais appris depuis toute petite que je ne devais pas adresser la parole à quelqu'un sans avoir connaissance de son rang social. Je secouai la tête doucement, depuis quand accordais-je autant d'importance à ces règles que l'on m'avait inculquées ?

"Oui." répondis-je avec un léger sourire en me tournant vers lui "C'est un temps agréable."

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